Après une courte période de flottement, Toshihiro Nagoshi revient du haut de ses habits de créatif exécutif pour penser l’après Yakuza. Un challenge pour son équipe Ryu Ga Gotoku entièrement vouée à la franchise vedette de Sega. Moins pour ce vétéran au parcours professionnel façonné par le succès.
Entré chez Sega au forceps, le génial créatif se demande encore comment il n’a pas été remercié du temps où il travaillait à huis clos avec Yu Suzuki sans autre autorité que la sienne. « Tous les six mois, le président directeur général accompagné de sa garde rapprochée frappaient à la porte du studio Am2, exigeant un droit de regard sur notre travail » , glisse T. Toshihiro auprès de GameInformer.com. Après la liquidation du département hardware, la réorientation éditoriale du groupe japonais affecte le partage des pouvoirs de décision. Il échappe ainsi aux créatifs insubordonnés et dispendieux comme Yu Suzuki, au bénéfice de profils plus consensuels.
Nagoshi est alors propulsé à la tête d’Am2 la rebelle, et signe de belles pépites. Sa relecture de F-Zero, démonstration talentueuse du spectaculaire rapprochement avec Nintendo interpelle la nouvelle direction de Sega qui le nomme cadre créatif. A la faveur d’une énième restructuration, les équipes de développement fusionnent afin de mutualiser les efforts en R&D. « Notre premier véritable défi était de savoir comment combiner les forces d’Am2 et Smilebit dans le but d’innover », explique T. Nagoshi.
Loin des salles de réunions feutrées, c’est dans le cadre des quartiers chauds de Tokyo tenus par les Yakuza que le créatif suivi de son équipe cherche l’inspiration. Les séances de beuverie facilitent la communication avec la jeune pousse. « Nous avions en commun un penchant pour les boissons alcoolisées (…) j’ai senti que par cette distraction la communication serait plus aisée avec elle », précise-t-il. Les règles hiérarchiques se noient dans cette atmosphère festive où règne « la désinvolture ». Sous l’effet de l’alcool, la « parole se libère » et après avoir écumé les bars du quartier, un membre de l’équipe interpelle le cadre créatif. « Et s’il existait un jeu dans lequel nous pourrions nous rendre dans tous les commerces ? ».
Le projet est présenté à la direction de la holding japonaise qui l’écarte en raison du thème sulfureux abordé. C’est avec persévérance et des chiffres de vente encourageant du premier volet que les financements sont assurés. For de ses 14 millions d’exemplaires vendus dans le monde, la franchise arrive à un tournant de sa carrière commerciale. Tout ou presque a été exploité sur cette thématique subversive, il est temps pour lui et son équipe de passer à autre chose. « Les membres dédiés à cette série sont vraiment talentueux, cela deviendrait un formidable gâchis si leur compétence se limite à Yakuza ». L’homme aspire désormais à la création « de quelque chose d’un tout autre genre et d’un style différent. » Cette décision est un impératif guidé par une soif de créativité, d’inventivité, véritable marque de fabrique durant toute la carrière professionnelle de T. Nagoshi.